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 === Atelier expérimental 1 : saisir le quotidien terranéen - 18 juin 2014 === === Atelier expérimental 1 : saisir le quotidien terranéen - 18 juin 2014 ===
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-===== Atelier expérimental 1 du projet ALARIC ===== 
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-=== "Regards disciplinaires croisés: saisir le quotidien terranéen/à Terrenoire", 18 juin 2014 === 
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-== Propos général == 
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-ALARIC a pour projet initial de saisir et comprendre le changement urbain, et plus précisément le changement urbain sur d’anciens territoires industriels à l’urbanité spécifique. Terrenoire offre une lecture de deux séries de changements : le premier a consisté dans la mise en place d’un espace industriel qui, d’un point de vue qualitatif, ne subit pas de réelles transformations jusqu’aux années 1980, jusqu’au surgissement d’une nouvelle orientation urbaine pour Terrenoire. Que devient cette ville que l’on peut dès lors qualifier de post-industrielle ? Comment se saisir de sa matérialité urbaine ? Car ces reconfigurations spatiales, ces transformations structurelles s’expriment, bien évidemment de façon imperceptible, dans le quotidien des contemporains. Pratiques et formes urbaines se lisent ainsi comme banales, jusque dans leurs mutations. En proposant une lecture croisée de ce type de territoires et de la façon de saisir le quotidien urbain, l’enjeu est de pouvoir montrer comment plasticiens ou géographes ont pu ou ambitionnent de se saisir de cette matérialité, avec pour visée peut-être d’y dévoiler la structure évolutive du quotidien urbain. 
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-== Matin – visite de terrain == 
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-**« Lecture diachronique de Terrenoire —Urbanisation industrielle et post-industrielle » – C. Périnaud, doctorante EVS/IMU** 
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-Une lecture initiale de l’urbanité térranéenne proposée sur le terrain par Clémentine Périnaud, doctorante sur le projet ALARIC, a eu pour objectif de remettre en perspective la construction du paysage terranéen dont la stratification a progressivement été mise en évidence dans le parcours. Elle a été discutée par Cendrine Sanquer, animatrice de l’architecture et du patrimoine à la ville de Saint-Etienne, service Ville d’Art et d’Histoire. Celle-ci a pu éclairer les démarches récentes de patrimonialisation de ce quartier fortement marqué par des implantations industrielles symboles de la première industrialisation en France. 
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-A lire le document d’accompagnement de la visite de terrain - {{:atelier.18.juin.terrenoire.perinaud.pdf|}} 
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-== Après-midi – différentes démarches plastiques de saisine du quotidien urbain == 
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-Comment, en vis-à-vis de cette expérience, les chercheurs-plasticiens donnent à lire ce quotidien urbain ? Quelles sources et quels angles de vue peuvent en rendre compte pour une recherche en géographie-aménagement ? 
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-**Le tropisme géographique de la photographie contemporaine – D. Méaux (CIEREC)** 
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-Danièle Méaux, maitre de conférence en art plastique et en histoire de la photographie (CIEREC – EA 3068), s’est interrogé sur la façon dont certains photographes peuvent explorer aujourd’hui les espaces du quotidien urbain selon une démarche questionnante. Différents ouvrages critiques reviennent sur l’expansion de la photographie paysagère comme genre à part entière, depuis les années 1980. Cette tendance est à mettre en relation avec d’autres traits de la photographie tel que l’usage du grand format et le passage à la couleur. Elle s’associe à une tendance des photographes contemporains à mettre en place des questionnements de type géographique au travers de leur production, façon propre de réinterroger les territoires du quotidien.  
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-Les photographes ont nourri un très fort intérêt pour les paysages développés après guerre, notamment pour les zones périurbaines et commerciales à la frange des villes, pour des sites ordinaires re-considérés. Jürgen Nefzger a ainsi pu mettre en valeur leur caractère impersonnel de ces espaces, contradictoire avec l’idée de l’habiter. Dominique Auerbacher a pu souligner dans son travail l’uniformisation du mobilier urbain, la surabondance des enseignes. Nombre de photographes ont ainsi développé un intérêt sans jugement pour l’accélération de ces changements. Une autre tendance est ainsi celle de vouloir capturer la diachronie d’un espace (Beatrix Von Conta), sa polyrythmie, les traces d’un vieillissement qui s’effectue selon différents rythmes : les temporalités, usure de la pierre, rythme des floraisons, écaillement de la peinture, sont toutes appelées dans un même cadre. La photographie amène à prêter attention à la coexistence de ces rythmes différents.  
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-Les espaces révèlent également les rapports de pouvoir à l’œuvre (Thierry Girard). La photographie souhaite alors déceler les conflits existants au sein de la société, notamment sur l’occupation des sols. Les critiques ont ainsi pu évoqué un tournant spatial de la photographie, qui apparait comme un laboratoire de réflexions, mouvement qui s’est traduit par une démarche active de collaboration avec des praticiens de l’urbanisme, à l’exemple du travail de Gabriele Basilico commandé par la Datar.  
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-L’intervention de Danièle Méaux est revenue sur les raisons propres à l’histoire de la photographie dans ce tournant photographique, comme sur les déterminants extérieurs au champ de la photographie : ces travaux se font en effet le miroir de questions émergentes (développement, aménagement, cadre de vie, environnement). Un second temps de cette intervention a permis de qualifier cette façon propre à l’art photographique d’interroger les paysages. 
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-**Une démarche plastique d’appréhension des espaces urbains développée au sein de l’ESAD - K. Mokkadem (ESAD, Saint-Etienne)** 
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-Kader Mokkadem, enseignant-chercheur de philosophie et d’esthétique au sein de l’Ecole Supérieure d’Art et de Design de Saint-Etienne, a pu présenter le travail réalisé avec ces étudiants en esthétique, expérimentation des différentes manières de parcourir le territoire et produire des images, autant de façon différentes de voir ces espaces urbains. Un travail est ainsi mené sur la manufacture Plaine-Achille depuis plusieurs années, espace fortement industrialisé pour être reconverti depuis les années 2000 en quartier créatif, avec l’implantation de la Cité du Design dans l’ancienne manufacture d’armes. Une première stratégie est de chercher à changer l’image du territoire, non pas pour en proposer une autre, mais plusieurs autres, avec cette volonté de retravailler l’imaginaire du territoire, créer du désir, de la narration, et pas seulement dans une perspective documentaire. Vers quelle imaginaire peut-on tendre ? Il fallait en préalable aller sur ce territoire pour rendre compte des mutations en cours, après une consultation sommaire de la documentation. Chaque individu, une fois sur le terrain, est porteur de sa propre idée plastique et d’une forme de restitution particulière de cette expérience physique. Marcher, courir, naviguer sur Google map, photographier, dessiner, produire des cartes interactives de parcours sonores, restitution immédiate dans des « mini brut » ou un format plus imposant, la production a témoigné de la cohabitation de plusieurs manières de parcourir le territoire. 
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-**Numérisation et valorisation du fonds photographique Paul Martial, Musée d'Art moderne et contemporain de Saint-Etienne Métropole – P. Colantoni (CIEREC)** 
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-Philippe Colantoni, maître de conférences à l'UJM en génie informatique, a pu présenter différents outils informatiques d’exploitation du fonds de photographies industrielles Paul-Martial qui a été numérisé. Ces outils permettent de naviguer, de visualiser, d’annoter et de classifier très rapidement des images très spécifiques. Une plateforme à l’usage des chercheurs est ainsi en cours de développement. Elle propose la navigation dans un corpus d’archives de 3500 photographies industrielles numérisées en haute définition, à des fins de valorisation de fonds artistiques numérisés (VIVA ARTS). Premier aspect du projet, le scanner est exploité comme un appareil de mesure, de la coloration d’une image, permet le capatage du grain de la photographie. Le protocole de numérisation permet d’envisager une numérisation ultérieure du même corpus, afin de pouvoir mesurer l’état de conservation des documents. La résolution permet également de saisir des détails infimes, imperceptibles à l’œil nu (visages, textes publicitaires, numéros des machines-outils), permettant d’envisager de nouvelles perspectives de recherche sur ces fonds documentaires. La mise en place d’une infrastructure de méta data doit permettre d’envisager un traitement automatisé de ces fichiers numériques, afin de saisir des détails invisibles sur la photo d’origine. Le développement de ce type de plateforme pose des problèmes spécifiques aux outils numériques de valorisation d’archives, en particulier en matière de droit d’accès et de stockage des données. 
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-== Réflexions ouvertes dans la discussion == 
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-  * Ces expériences semblent tendre vers une démarche de critique de la perception, par une capture systématique des éléments non immédiatement perçus. Il semble être intéressant d’approfondir la généalogie de ce « tropisme géographique » dans la photographie, afin de mieux comprendre l’origine ce goût plastique pour les espaces hybrides et la façon dont s’y affirme une forme de sensibilité aux changements. 
-  * Dans les photographies de paysage, domine une certaine forme d’abstraction de la réalité spatiale par la composition esthétique. Le travail photographique garde au cœur de son propos une réflexion sur l’image, plus que sur l’urbain : démarche intuitive, elle met en évidence la subjectivité du photographe et le contexte culturel qui façonne cette subjectivité à l’œuvre. 
-  * Les pratiques d’organisation des séries photographiques pour produire une nouvelle narration renvoient au problème de l’indexation des images, des documents d’archives pour organiser un autre sens. Il reste intéressant de constater que la localisation et la datation des paysages, démarche consubstantielle de l’approche de l’histoire urbaine en sciences humaines, reste fortement présente également dans le champ de la photographie des paysages. 
-  * Le rôle de l’image dans les études urbaines est assez minoré. Certains intervenants rappellent le rôle majeur de l’anthropologie visuelle dans la connaissance des usages urbains et des études liées aux séries photographiques (le photographe Camillo Jose Vergara, l’anthropologue Sylvaine Conord), aspect peu abordé dans les interventions. La photographie reste souvent un oublié dans la collecte documentaire. Or la production de photographie autochtone permet de saisir le changement contemporain. A Terrenoire, un travail a été fait en ce sens en 2009 par Hannelore Girardot, ethno-sociologue. Des couvertures photographiques ont été réalisées dans les années 1970. Les sites conservent d’importants fonds de cartes postales anciennes dont la possible exploitation demeure une question de recherche qui rejoint les démarches réalisées après 1976 dans le cadre du programme de recherche du C.N.R.S., Observation localisée du changement social et culturel », associée pour les territoires étudiés au sein d’ALARIC à une enquête photographique sur Givors menée par Yves Lequin, interrogeant l’image comme « signe du changement social ». 
-  * Une meilleure connaissance des missions photographiques de la DATAR, leur contexte et leurs objectifs, peut apporter des éléments pour comprendre la place que peut prendre l’iconographie dans la compréhension des territoires, d’autant plus que de telles démarches associant plasticiens et praticiens apparaissent concomitantes de démarches dans plusieurs pays européens. 
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-//Compte-rendu réalisé par C. Périnaud - mis en ligne le 28.10.2014 // 
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-===== Atelier expérimental 2 du projet ALARIC ===== 
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-=== "Givors : observatoire du changement urbain - confrontations de temps et perspectives de recherches", 16 octobre 2015 === 
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-== Propos introductif == 
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-La confrontation des regards disciplinaires sur un même terrain d’étude est la ligne directrice de ces ateliers expérimentaux. La journée se propose de revenir sur les spécificités du site givordin afin de comprendre l’attrait de la recherche urbaine pour ce terrain. Givors a en effet constitué et constitue un terrain privilégié, en tant que laboratoire d’étude de la perception du changement urbain. Des années 1970, avec les programmes du CNRS portant sur le changement social et culturel, à aujourd’hui, de multiples projets de recherche ont ainsi produits un matériau dense et multiforme, associé à une série de récits autour des transformations urbaines, historiquement et disciplinairement situés. La confrontation de ces projets scientifiques doit permettre d’interroger la façon dont ils peuvent et ont permis de faire changer le regard sur Givors. En revenant sur les temps principaux d’une recherche passée et en cours, ce sont également les voies de conservation du matériau propre aux sciences sociales qui peuvent être interrogées. 
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-== Première partie, 9h30-12h30 : balade urbaine - Repérer l'incrémentation du changement à Givors == 
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-**Animateurs : Clémentine Périnaud, doctorante en géographie-aménagement (projet ALARIC), accompagnée de André Vincent, ethnologue, directeur du responsable du service des Affaires Culturelles de la ville de Givors.** 
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-Articulée autour de plusieurs espaces de la ville industrielle givordine aujourd’hui disparus de son paysage urbain (gare d’eau, bassin du canal de Givors à Rive-de-Gier et site industriel VMC), la balade se propose de revenir sur la structuration du site de Givors et la gestion de l’héritage d’une organisation urbaine guidée par les nécessités de l’industrie. 
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-{{:cr_alaric_atelier2_givors161015_balade.pdf|compte-rendu de la balade urbaine à Givors.}} 
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-== Deuxième partie, 13h30-17h30 : transformations de la ville et productions de récits == 
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-**Présentation du projet documentaire et scientifique, « résistance et crise à Givors »** 
-**Par Yves Bourget, documentaliste et Gaëlle Rivière, documentariste aux archives municipales de Givors** 
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-Le projet en cours de film documentaire sur Givors (sortie prévue en juin 2017) s’inscrit dans l’appel à projet DRAC-Région Rhône-Alpes sur les mémoires du XXe siècle. A dimension scientifique et culturelle, le projet aborde les transformations urbaines et sociales à Givors, en témoignant des « crises » du second XXe siècle (désindustrialisation, démolitions du Vieux-Givors, création du centre commercial, autoroute, assèchement du canal…), et en particulier les crises plus singulières, inscrites dans des parcours familiaux. Le projet s’intéresse donc à la notion de crise et aux réactions qu’elle engendre, individuelles et collectives. Quelle résonance peut avoir ce terme sur la vie des personnes ? Cette approche est une façon d’actualiser les connaissances sur Givors, constituant un matériau riche déjà constitué par des travaux d’historiens et de sociologues. 
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-Les transformations à Givors sont singulières : il est difficile de concevoir que l’assèchement du canal de Givors à Rive-de-Gier suivi de la construction de l’autoroute n’ait pas suscité d’opposition, que la disparition de ces lieux de l’identité givordine aient été si aisée. C’est seulement plus tard qu’un groupe s’est créé sur la question des nuisances associée à l’autoroute. De façon générale, la mobilisation contre l’autoroute après sa construction est une dimension qui n’a pas été vraiment travaillée par les universitaires. Aujourd’hui, cela pourrait-il se reproduire ? Pour explorer cette mémoire des lieux, le documentariste a par exemple recueilli le témoignage de l’habitant actuel de la maison jaune bordant l’autoroute. Cette maison est l’une des rares survivances de l’urbanisation des abords du canal à Givors. Le témoignage de son occupant, héritier du propriétaire de la maison ayant créé les Tuileries Berger, est une entrée possible dans l’histoire des transformations de Givors. 
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-//Une démarche participative de constitution d’une mémoire locale sur les crises givordines // 
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-Le projet souhaite prendre en compte l’actualité de la crise à Givors, mais en décentrant le regard. Crise générale, crise particulière de la ville, crise individuelle, l’idée est de pouvoir donner des éléments aux givordins qui permettent d’éclairer les modalités de réponse à la crise ou plutôt aux crises. Ces éléments sont produits par les habitants eux-mêmes, impliqués dans la recherche et dans les dispositifs de restitution. La démarche se veut participative et la plus horizontale possible dans la production de ce savoir. Deux saisons culturelles givordines sont programmées dans ce but (ateliers scolaires, d’arts plastiques), en partenariat avec la MJC de Givors. 
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-Le projet ayant débuté il y a peu, il est difficile de tirer des conclusions sur la façon dont les changements de Givors sont perçus aujourd’hui. Pour le moment, domine un discours du regret, des choses perdues, et surtout l’attente d’un bénéfice à ces transformations. La thématique du changement suscite en tout cas un réel intérêt, notamment chez les scolaires. Un participant s’interroge sur la crise qui surgit dans les discours. Désindustrialisation, changements urbains qui se traduisent par la désertification du centre ancien, désertification commerciale, individualisation, quelle crise semble le plus toucher les habitants ? Gaëlle Rivière répond à partir de son expérience auprès des collégiens : la désindustrialisation semble apparaître le plus rapidement dans les discours, au travers des images de la ville qui ne travaille pas, le fait d’être sans emploi. 
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-Un autre participant s’interroge sur la dimension spatiale du projet et sur les éléments de perception de l’espace à Givors, où s’imposent de grands tènements, vides d’urbanisation. La balade du matin a rendu plus sensible à Yves Bourget le fait que la ville de Givors cherche son centre, en trouve difficilement son usage : Givors est une enfant de l’industrie, et sa mère est morte. La pratique de la balade urbaine aide à mieux comprendre cette structuration pour penser son devenir. 
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-//Crise, résistance, résilience // 
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-Un participant interpelle sur la définition faite de la notion de « crise ». Le projet souhaite faire résonner ce mot chez les habitants, sans en poser au préalable une définition, afin de mettre en évidence sa polysémie. A l’origine, le terme de « résistance » était privilégié, cependant trop lié au contexte de Seconde Guerre Mondiale. A quoi résiste-t-on ? Qui réagit ou non et pourquoi ? Le mot « crise » fait surgir la perception d’une rupture, dont les ordres sont multiples. Un horizon de référence de cette démarche est le film documentaire [[https://www.youtube.com/watch?v=mystichTGL4|Se battre]], de Jean-Pierre Duret et Andréa Santana (2013), à l’initiative du Secours populaire. Le documentaire prend l’exemple de Givors pour poursuivre le quotidien d’hommes et femmes, travailleurs pauvres : la société produit des personnes exclues, effacées, le documentaire les met en scène, ainsi que les personnes qui les accompagnent. 
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-Le lien avec la notion de « résilience » s’est imposé dès l’origine du projet, autour de l’idée de « résilience citoyenne ». La véritable genèse du projet est ainsi à trouver dans l’entretien que Yves Bourget a pu réaliser avec Paul Vallon,grand résistant givordin et pendant trente ans le premier adjoint du maire Camille Vallin : [[https://vimeo.com/107920864|Givors, la guerre, la résistance]]. Cette rencontre s’est associée au désir de tisser des liens entre les résistances d’hier et d’aujourd’hui. 
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-**Méthodes de recherche sur le changement urbain à Givors - 1970-1990** 
-**Par André Vincent, ethnologue, directeur des Affaires Culturelles de la ville de Givors.** 
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-Givors est un terrain de recherche depuis longtemps, ce qui s’explique peut-être par le rapport de la commune à la ville de Lyon. Ville noire, ville rouge, ville ouvrière, ville franche, Givors serait dans l’imaginaire lyonnais emblématique de la ville ouvrière. Cela semble vrai en particulier dans les années 1970, dominées par les images des manifestations des métallurgistes, quand le contexte de désindustrialisation impose d’observer la fin d’un monde. A cette époque, la sidérurgie avec Fives-Lille, la métallurgie avec les établissements Prénat est en difficulté ou éteinte. Seule la verrerie s’est maintenue à Givors, probablement grâce à l’attachement d’Antoine Riboud au site. A cette époque, la croyance est à celle d’un retour de l’industrie lourde. C’est en fait la carte de l’implantation commerciale (Carrefour en 1976) qui est jouée par Camille Vallin, guidé par une stratégie d’ensemble de reconversion givordine, passant également par un programme de restructuration urbaine (chantier de destruction du Vieux-Givors ouvert en 1974). 
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-//Observatoire du changement social et culturel // 
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-Un premier programme de recherche du CNRS lancé dans ce contexte, Observatoire du changement social et culturel, vient souligner certains traits de l’identité givordine. Les chercheurs mettent en évidence l’existence d’une ville de quartier (celui des métallurgistes, des sidérurgistes…), ce qui renvoie à des formes d’organisations paternalistes de la vie sociale à Givors, évidentes dans le rapport à la verrerie Souchon ou aux Etablissements Prénat, un peu différentes dans le cas des établissements sidérurgiques Fives-Lille. Ces identités professionnelles très fortes et anciennes ne doivent pas masquer la diversité des origines culturelles des employés de ces usines. Terre de migration, Givors est également une terre communiste. Il est souvent oublié que Givors n’a connu que deux maires depuis 1953 : Camille Vallin jusqu’en 1993 et depuis Martial Passi, tous deux au parti communiste. La ville a dès lors une histoire officielle qui interroge sur la possibilité de faire ressortir d’autres éléments de son histoire. Les chercheurs soulignent ainsi en contre-point le rôle d’une jeunesse en rupture, une jeunesse qui ne s’inscrit pas dans cette histoire ouvrière et se retrouve confrontée au chômage. Le rock apparait comme un symbole d’une rupture empreinte d’une certaine filiation : le groupe local en couverture du festival //Rock and Folk// a pour nom //Factory//. 
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-//Identités givordines // 
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-Un second programme de recherche, Identités givordines, rassemblant des ethnologues lyonnais, est lancé en 1982-1983. Là encore, Givors est choisi comme terrain d’étude du fait de l’existence d’une très forte identité locale, et en particulier d’identités de quartier. Les Givordins se définissent encore aujourd’hui par leur quartier, ensuite seulement par le fait d’habiter à Givors. L’analyse des ethnologues est conduite à partir de l’approche du rock d’une part, qui dix ans après le premier programme de recherche a totalement disparu de la vie locale givordine, et des joutes nautiques d’autre part. L’étude des joutes révèle notamment l’importance du fleuve dans l’identité de Givors, par la mise en évidence d’une solidarité particulière portée par la société très ancienne des Sauveteurs de Givors, créée à l’origine pour intervenir en cas d’inondations puis ayant eu pour mission d’encadrer les joutes opposant les équipes de Givors-Ville, du Canal ou de Bans sur le bassin. 
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-//Le programme Ethnopôle // 
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-Dans la suite de cette redécouverte de la ville fluviale et l’achat par la ville de la maison des chapeliers Bruyas, une maison du Rhône est créée en 1988, devenue Maison du Fleuve Rhône : elle doit être le centre d’étude d’une anthropologie du fleuve Rhône. Le programme Ethnopôle doit faire vivre cet équipement (travaux de Jean Métral ou André Micoud). A l’origine avait été envisagé un musée de la Verrerie mais Camille Vallin, alors maire de Givors, et son premier adjoint, Paul Vallon, considèrent alors l’histoire industrielle de Givors comme achevée. Dans les années 1980, les politiques locales se concentrent sur la production d’équipements culturels (programme de l’architecte Jean Renaudie intégrant un théâtre et une médiathèque dans le centre de Givors). Dans ce contexte, le programme de recherche se constitue en aide au développement urbain de la ville, par la réinterrogation de son histoire fluviale doublée d’une distanciation avec son histoire industrielle. A l’encontre d’un enfermement produit par les lectures passées de l’identité givordine, le programme recherche les traces d’une culture du fleuve, ouvrant Givors sur un territoire supra-communal. Sociologues, anthropologues mais aussi géographes ou psychanalystes mettent en évidence que la ville industrielle est née du fleuve (besoins des verreries en sable du Rhône, infrastructures de navigation pour le transport des matières premières). La régularité des inondations (parfois plusieurs fois par an) oblige à intégrer le risque d’inondation dans le fonctionnement urbain, jusque dans l’architecture avec une adaptation des rez-de-chaussée des bâtiments. C’est une intégration également sociale et culturelle : le fleuve est l’espace du  non-travail, le hors de l’usine, par lequel on devient Givordin (traversée à la nage, participation aux joutes puis au water polo). 
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-//Programme de recherche et accompagnement du changement urbain // 
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-Ces programmes ont permis d’interroger la façon dont la ville de Givors s’est constituée et transformée. Revenir sur leurs résultats aujourd’hui interroge sur la fracture sociale et sur la forme prise aux sociabilités contemporaines. Ils interrogent sur les voies de la recherche-action : les trois programmes de recherche ont en effet accompagné des politiques municipales. Le dernier témoigne d’ailleurs d’un parti pris assez fort, avec le refus de jouer la carte de l’implantation de nouvelles industries. 
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-**Visite virtuelle et temporelle de Givors** 
-**Par Clémentine Périnaud - doctorante en géographie-aménagement, EVS-ISTHME.** 
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-De la balade urbaine du matin à une visite virtuelle du site, se pose la question de la conservation des signes fragmentaires du changement observé (témoignages sur les transformations, projets déposés) ou des interprétations faites sur le devenir de Givors, par exemple celles des projets de recherche décrits précédemment. La conservation de ce matériau d’archives est envisagé dans un environnement cartographique dynamique stable, avec pour enjeu d’en donner l’accès, potentiellement de l’enrichir de nouveaux éléments, et pourquoi pas, proposer un autre récit de territoire. L’originalité de l’approche suivie dans le cadre du projet ALARIC est de produire une vue à l’échelle d’un site urbain large et à une échelle de temps plus fine qu’accoutumée : la plateforme ne propose pas une vue du site urbain tous les quarante ou cinquante ans mais selon une certaine continuité temporelle. Pour comprendre le changement survenu, il apparait en effet nécessaire de pouvoir se replacer dans l’horizon de perception du fait urbain qui était celui des contemporains d’un projet donné, et en particulier des acteurs locaux qui viennent ensuite négocier l’inscription matérielle concrète d’un projet. La plateforme doit permettre de répondre à des questionnements spatiaux sur les dynamiques de transformation : après une crise (disparition des verreries de Givors en 1890, fermeture des Etablissements Prénat en 1966), quels projets ont été déposés dans les cinq ans, dix ans suivants ? Un projet d’infrastructure est effectivement réalisé, quel effet sur l’urbanisation ? 
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-//Renseigner les transformations urbaines à Givors // 
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-Pour produire une vue des transformations givordines, il existe des plans de référence mobilisables, caractérisés d’une part par la précision de la représentation géométrique des éléments urbains et d’autre part par le fait qu’elles informent sur la nature de ces objets, à l’échelle de l’ensemble du site. Assez rares, ils sont principalement constitués de plans cadastraux et d’ortophotographies aériennes consultables sur géoportail. Une fois géo- référencé, le contenu de ces documents est vectorisé dans un SIG. Sur cette base, il est ensuite possible de raffiner la connaissance du devenir des objets urbains d’une ville, pour la période post-1940 grâce aux photographies aériennes qui viennent couvrir le territoire tous les 2 à 6 ans, mais avec des qualités de définition très variable, pour les périodes antérieures par la collecte d’autres plans de détail, notamment issus des dossiers d’instruction de projets par les administrations municipales ou départementales. Dépendant de l’existence de projets, ces plans varient en localisation dans l’espace et en fréquence dans le temps mais, plutôt nombreux, ils permettent un renseignement efficace des transformations. 
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-//Modélisation et vue temporelle des transformations // 
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-La plateforme 3D-Use, développée par les chercheurs en informatique du LIRIS s’intéresse en particulier aux possibilités de représentation temporelle des objets urbains. A partir de la maquette 3D actuelle géoréférencée de Givors et du Modèle Numérique de terrain produits par le Grand Lyon, il est possible de cliquer sur les entités pour leur donner des attributs temporels (principe d’apparition/disparition). Les bâtiments actuels sont ainsi progressivement remplacés par les bâtiments disparus, en suivant les informations collectées dans les plans d’archives. 
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-La modélisation infographique du bâti disparu, et plus généralement le recours à la 3D est justifiée pour deux raisons. Un intérêt architectural ponctuel porte sur le bâti industriel disparu : il existe des plans de détail des hauts fourneaux Prénat ou du site de la verrerie Souchon-Neuvesel. Réalisé pour Terrenoire, ce type de modélisation de détail permet une meilleure compréhension des discours produits à l’apparition de ces paysages de la première révolution industrielle. Si une vue uniquement schématique des objets urbains du reste du site est proposé, l’environnement 3D assure cependant une perception du changement plus forte qu’en 2D. Il permet de se projeter plus aisément dans une organisation urbaine disparue et héritée aujourd’hui. La gestion d’une vue « iconographie » est envisagée, pour permettre une appréhension réaliste des lieux. 
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-//Vers un modèle participatif de renseignement des transformations urbaines ? // 
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-Au-delà d’une mesure du changement urbain dans le sens d’un recensement des transformations survenus, une vue projet doit constituer une première entrée de compréhension de ce changement, par la lecture des argumentaires en présence autour d’un projet en un temps donné. Un même travail de géoréférencement et de positionnement spatial est donc mené, relatif aux projets envisagés ou réalisés. Le positionnement spatial et temporel des projets est associée à la volonté de pouvoir accéder aux textes autour de ces projets (en test ceux des délibérations municipales). Il doit ainsi être possible d’accéder au matériau permettant une interprétation de la négociation qui s’est opérée sur l’urbain, les acteurs en présence, les enjeux. Une telle vue « projet » est possible, d’autres le sont, chacune organisant ces signes fragmentaires d’interprétation des transformations urbaines survenues. Il est possible d’envisager l’accès aux témoignages vivants sur des lieux, des projets, des transformations, qui gagnent à être positionnées dans le temps et l’espace. 
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-Quelle que soit la vue choisie, la nécessité de maintenir une continuité temporelle à cet environnement du fait de la disparité des éléments collectés dans le temps et l’espace oblige à insister sur la nature complexe de la maquette restituant une vue de l’urbanisation du site dans le temps : elle reste dominée par le manque d’informations. Si un plan de projet, un témoignage existe pour une date donnée, les traits de ce lieu, son usage, peuvent avoir changé sans qu’il soit possible de le renseigner. Tout ce qui apparaît dans la maquette n’a rien d’absolu, mais est relatif aux archives mobilisées : les dates d’apparition ou de disparition des éléments dépendent des archives, et ces dates sont imprécises (une antériorité ou une postériorité est toujours possible, voire une erreur issue des sources). 
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-Cette approche progressive de reconstitution de l’urbanisation de Givors au cours du temps suit en fait des principes à moindre coût (temporel, financier) d’exploration des transformations urbaines, qui correspondent bien à un type de patrimonialisation locale. C’est un modèle dont il est nécessaire d’envisager les prolongements participatifs qui se multiplient en ce domaine. 
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-**Echanges : Raconter Givors aujourd’hui : confrontation des regards disciplinaires.** 
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-Givors, aujourd’hui, voit son urbanité mise à mal par les mutations économiques et sociales contemporaines qui rendent par ailleurs son avenir incertain. Dans ce contexte imaginer la ville constitue un défi qui suppose, plus que jamais, de revenir sur les récits qu’on en fait à travers l’action, la réflexion ou les projets. Dans cette perspective, la table ronde entend réunir et confronter les discours générés par des approches disciplinaires différentes du terrain givordin avec l’ambition de donner sens aux décalages ou convergences que l’on pourra constater. 
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