Les mutations économiques et les défis environnementaux placent les villes dans la situation de devoir définir des formes d'organisation et de fonctionnement inédites. Inventer de nouvelles manières d'habiter et de se déplacer, enrayer l'étalement urbain et densifier la ville existante, redonner du sens et de la valeur aux espaces en déshérence de la ville rétrécissante, penser et produire les territoires en (ré)articulant le local et le global, tout cela participe de la construction d'une nouvelle réalité urbaine subsumée sous le terme générique de "ville durable", à défaut d'en cerner précisément le contenu.
Celle‐ci prend concrètement la forme d’une addition d’expériences urbaines qui sont autant de laboratoires tâtonnants d’un projet qui a pour objectif d’inscrire dans le quotidien et la proximité, une mutation dont l’appréhension relève de la longue durée et d’échelles globales. Nous avons là un projet de transformation dont la mise en œuvre produit le contenu, au rebours des utopies de la modernité qui posaient le cadre en préalable de la définition des usages.
L’utopie de la « ville durable » ne se veut ni un contre‐modèle, ni une cité idéale : elle se présente comme le dépassement d’une réalité urbaine épuisée. Utopie du quotidien, elle se construit dans l’adaptation nécessaire à un changement déjà engagé mais non explicitement perçu. Appréhender le contenu et les formes du processus pour en comprendre les principes et les possibles et, éventuellement l’infléchir, constitue un enjeu croisé de la recherche et de la pratique.
Saisir l’incrémentation du changement est donc l’objectif autour duquel doit s’organiser la recherche. Nous formulons ici l’hypothèse de la valeur heuristique d’un retour rétrospectif sur le basculement dans la société technicienne qui se produit au cours du XIXe siècle. Si la confrontation avec l’innovation fut parfois brutale, ce basculement fut bien davantage un glissement progressif dans la modernité qu’une rupture, dont le changement présent est une autre figure relevant moins du retournement que de la continuité dialectique d’un processus.
L’espace en tant que production sociale historiquement située est le matériau de référence de la démarche proposée. Il s’agira donc d’approcher cette production sociale par le croisement de sa dimension matérielle (configuration des lieux, agencements spatiaux) et de sa dimension idéelle (imaginaire et représentations). Il s’agira aussi d’en envisager la dimension temporelle tant par la saisie de ses principaux moments historiques comme horizon de compréhension, que par l’analyse d’une continuité diachronique où se cristallise la régulation des improvisations dans la sédimentation de règles. Dans cette perspective, le croisement des regards disciplinaires (des géographes des historiens, des spécialistes de l’esthétique, des informaticiens) est au principe même de la démarche.
L’aire métropolitaine Lyon‐Saint-Etienne est le cadre de référence de la recherche qui portera plus précisément sur des « espaces laboratoires » dont la position marginale amplifie la visibilité du changement : Vaise et la vallée de la chimie au nord et au sud de Lyon, Givors, et les vallées du Gier et de l’Ondaine, à l’est et à l’ouest de Saint-Etienne. En termes de sources et de données seront mobilisés les fonds d’archives et ressources documentaires publics et privés (enquêtes, statistiques, règlements, iconographie, cartes et plans, collections de musées), les matériaux habituels des sciences sociales (enquêtes et entretiens) et des réalisations originales d’artistes et de plasticiens voire de producteurs ordinaires.
Pour en savoir plus
* Laboratoires : EVS - LIRIS (GEOMOD) - CIEREC - LARHRA - TRIANGLE - IRD - IRI - Ecole d’Architecture de Saint-Etienne * Partenaires praticiens : Agence d’urbanisme pour le développement de l’agglomération lyonnaise - EPURES